Vienne à travers ses roses et ses épines

A l’aide de sa caméra et sur le thème de la rose, l’artiste tente de cerner l’univers viennois, sa profondeur et sa légèreté, voire sa complexité. Sur chaque photo on découvre une rose, tantôt blanche, tantôt noire ou encore colorée.

Mise en situation, elles jouent toutes les rôles qui leur sont assignés.

La première, de couleur chair, repose sagement sur une planche en bois, prête à être aplatie et panée comme l’illustre escalope viennoise. La seconde bouge, joueuse et frivole et sème avec humour ses pétales au gré du vent. Une autre encore est prisonnière d’une roue métallique, à l’instar de celle plus grande et plus connue du Prater.

Pourpre et de velours, une rose charnue évoque les abords de Vienne, quartiers de plaisir et de conquêtes d’un moment.

Une encore, ou plutôt plusieurs, se partagent l’espace d’une portée musicale, car qui dit Vienne dit bien-sur musique, à travers les chansons fredonnées dans les tavernes viennoises, mais aussi les airs d’opéra et les concerts symphoniques.

La politique de Vienne, ambigüe parfois, surtout quand elle touche à l’immigration est représentée par des roses noires qui en côtoient d’autres blanches, leur font face, presque menaçantes - métaphore de la mixité comme de la dichotomie d’une culture en lutte avec son passé et ses frontières si malmenées par le temps.

Plus loin, on retrouve quelques nuages de pétales neigeux, vaporeux, ils dessinent le ciel de Vienne. De longues et fines tiges, sans feuille, montent vers le ciel et miment les arbres de la forêt Viennoise. Là quelques feuilles séchées, en piles inégales, simulent les montagnes si proches de la ville.

Quant aux épines entrelacées, elles rappellent vu du ciel l’enchevêtrement d’un réseau urbain, riche - fait de rails de métro, de tramway, comme de lignes de bus.

Une dernière photo enfin transforme les roses en ombre chinoise quand la nuit vient à tomber sur la ville.

La liste de roses n’est pas exhaustive, celles des photos non plus. Aussi j’invite tous ceux que la beauté interpelle à se prendre un moment pour rêver Vienne à travers cette somptueuse série de photographies et bientôt de cartes postales.

L’artiste vit à Vienne. Son exposition intitulée Wiener Bilder sera au Luxembourg en 2012.

Text: Isabelle V. David sur http://surunlivreperchee.blogspot.com/

 

Des explications pour les Non-Viennoises

Bettina Frenzel est Viennoise.

Née en Belgique, elle habite à Vienne depuis l’âge de quatre ans, comme beaucoup d’autres Viennois et Viennoises ayant vu le jour ailleurs.

Après plus de quarante ans passés dans cette ville, elle décide de traduire ses impressions par la photographie. Ce n’est pas de la photo d’architecture à proprement parler, car elle se donne plutôt pour but d’appréhender l’esprit viennois, de manière frappante, ironique, affectueuse ou critique. 

L’esprit viennois se traduit ici sous forme de roses. Imaginée à l’origine comme exposition pour le festival de chansons viennoises intitulé « Wien im Rosenstolz », le choix d’utiliser des roses comme matière première et comme langage, s’est vite imposé. Nombreuses sont les possibilités qu‘offrent les roses, et diverses les notions autour de Vienne. La série ne fait donc que commencer.

A Vienne B. Frenzel est connue comme photographe dans le monde du théâtre et de la danse. Elle s’intérèsse aussi aux natures mortes, ainsi qu‘aux photographies d’objets, de bijoux et de sculptures de grande taille.

Mais pour en revenir aux roses: La diversité seule des prises de vue surprend. Des roses, en quelque sorte dans tous leurs états, solides, liquides, éthérées – parfois méconnaissables, tissent la trame de ces photos qui au premier coup d’oeil sont agencées de façon très différente. La série entière est photographiée en studio: l'ouverture du diaphragme et par conséquent la netteté, la lumière, le choix de l‘arrière plan (couleurs), tous ces éléments ont un rôle à jouer dans les prises de vue d’objets.

Enfin, les titres donnés à ces photos trahissent l’humour de la photographe.

Les quelques explications suivantes sur les titres donnés aux photos permettront aux non Viennois et Viennoises de mieux comprendre leur signification:

L’escalope viennoise en tant que rose « panée » est claire pour tous, de Vienne ou d‘ailleurs. La forme de la rose panée rappelle aussi certaines recettes de pâtisserie. C’est consciemment que la photographe a renoncé à aplatir la rose, telle la viande, avant de la paner.

Le charme viennois, mis à l‘honneur par le tourisme, est une autre notion générale. Etre « charmant », selon le dictionnaire, c’est être envoûtant, plein d’atouts – une qualité attribuée semble-t-il dès le berceau aux Viennoises et Viennois. Ici  le charme opère goutte à goutte, à travers une vitre, recouverte d’une fine couche de graisse. 

L’humour viennois, lui-aussi, est légendaire. Selon Wolfgan Teuschl il englobe à la fois  « astuce, ruse, mensonges, bavardage, plaisanteries, bons mots, métaphores, blagues, circolocutions. Le parler viennois se compose de toutes ces particularités et se distingue par sa façon bien à lui de décrire un objet, s’en rapprocher plutôt que de le nommer ». 

Le coeur en or du Viennois est en or soit, mais avec une touche de noir en fond. Nous ne répondrons pas à la question de savoir si derrière l’extérieur charmant se cache un coeur tendre ou dur.

La chanson viennoise, qui selon Harry Zohn est une chanson  « de, sur et pour Vienne », est également de plus en plus prisée, même à l’intérieur du pays. Les touristes connaissent la chanson viennoise traditionnelle grâce à leurs visites dans les tavernes viennoises (Heuriger), il existe cependant de nouvelles interprétations, très belles ainsi que des combinaisons interéssantes avec d’autres genres musicaux, qui contribuent toutes au nouvel élan de la chanson viennoise.

Le café viennois appelé « mélange » est un café recouvert d‘un léger nuage de lait mousseux. C’est cette idée de mélange ou bien encore de diversité, qui inspire justement la photographe puisque cette ville, située au coeur de l’Europe, est aussi belle que cosmopolite.

Cette diversité culturelle est pourtant, selon elle, ce que la politique de l‘immigration viennoise ne sait pas toujours reconnaître.  

La météo viennoise n’est pas une notion ambigüe. Elle jouit d’une place certaine dans les médias et le temps fait l‘objet de prévisions et commentaires quotidiens.

Pour représenter le réseau des transports publics viennois appelés Wiener Linien, la photographe propose d’utiliser les épines comme une métaphore pour les stations de métro, de bus et de tramway.

Le Prater viennois est avant tout un poumon vert au coeur de la ville et un vaste parc. Cependant au quotidien, quand on parle du Prater, on pense au « Wurstelprater », soit au parc d’attractions fait de montagnes russses, de manèges et autres amusements populaires. C’est là aussi que se trouve la célèbre grande roue de Vienne.

La ceinture viennoise est une large artère qui englobe le centre de la ville et constitue le second anneau autour de Vienne. Sur cette grande avenue on trouve aussi les quartiers chauds de Vienne, lieux notoires de prostitution, qui persistent même si la ville a essayé ces dernierès années grâce à des mesures urbaines de lutter contre. 

Le periphérique autoroutier viennois relie l’autoroute de l’ouest et du sud et constitue donc aussi une artère encerclant Vienne, de l’ouest au sud, en la séparant des collines alentours.

La forêt viennoise est (selon Wikipedia) « Le piémont nord-est des Alpes du Nord (Alpes calcaires „Kalkalpen“) en Basse Autriche et à Vienne. Les 45 km de long et 20 à 30 km de large de montagnes sont surtout boisés et représentent aussi une zone touristique très populaire des Viennois ». Dans cette interprétation imagée la caractéristique de la forêt viennoise est clairement reconnaissable: de hautes et fines tiges, laissant deviner l’auvent feuillu des arbres.

Les montagnes aux alentours de Vienne appelées Wiener Hausberge sont caracterisées par le massif de Rax et Schneeberg au sud de Vienne. Ce sont les montagnes les plus proches de la ville, le début des Alpes, là où les Viennoises et Viennois aiment à faire des randonnées, des escalades et du ski.

Wiener Zucker (le sucre viennois) est une marque. En Autriche, le sucre est tiré de la bettrave à sucre (et non de la canne à sucre). La marque autrichienne de sucre sert ainsi d’accroche publicitaire aux pâtisseries viennoises .

Enfin, Vienne de nuit, tant vantée par les publicités touristiques, est reprise dans les paroles du chanteur autrichien Reinhard Fendrich: « Avez-vous vu Vienne de nuit? Avez-vous déjà vécu cela? » 

Et pour ceux qui désirent en savoir plus sur Bettina Frenzel, ils sont les bienvenus sur le site de la photographe : www.frenzel.at  

Text: Bettina Frenzel
Traduction: Isabelle V. David - Merci à elle!!!